(Cyber)Harcèlement scolaire en France : une réalité alarmante

Tout acte répété de violence physique ou verbale, de menace ou d’intimidation exercé à l’encontre d’un élève, par un autre élève ou un groupe d’élèves, en raison de son appartenance à une ethnie, à une religion, à une orientation sexuelle ou à une différence physique ou psychologique est considéré comme harcèlement scolaire en France.

Entre prise de conscience du constat alarmant de la santé mentale des jeunes en France depuis la COVID (20,8% de la catégorie de 18-24 ans était concernée par la dépression en 2021, contre 11,7% en 2017 selon Santé Publique France) et la triste actualité (7 % des élèves de primaire et 12 % des élèves de collège sont victimes de harcèlement au moins une fois par semaine selon une étude de l’IFOP), la question du harcèlement scolaire est sur le devant de la scène.

De nombreuses personnalités publiques abordent désormais sans tabou le harcèlement qu’elles ont vécu en milieu scolaire, permettant à la parole de se libérer et aux témoignages d’affluer sur les différents réseaux sociaux.

Et bonne nouvelle (car en parler permet d’agir) : nous n’avons jamais autant conversé autour du harcèlement scolaire dans la sphère digitale qu’aujourd’hui.

Alors que la journée mondiale de lutte contre le harcèlement scolaire ne générait que 5k conversations en ligne les 8-9-10 novembre 2022, on constate cette année 57.4k mentions sur la même période sur l’espace digital montrant l’intérêt grandissant des français pour cette cause.

Graphique : mentions en ligne autour du “Harcèlement scolaire” dans la sphère linguistique francophone du 16 octobre 2022 au 16 novembre 2023

Face à ce fléau, les politiques n’ont eu le choix que de faire du harcèlement un chantier majeur de 2023.

Des pics de conversations sont par ailleurs corrélés aux différentes annonces faites en 2023 : de la prise de poste le 20 juillet de Gabriel Attal comme Ministre de l’Education, au premier plan interministériel établi ce jeudi 9 novembre dédié à la lutte contre le harcèlement à l’École, en passant par l’examen du budget 2024 (dans la nuit du 3 au 4 novembre) consacré à l’Éducation nationale (30 millions d’euros à la lutte contre le harcèlement à l’école ont été votés par les députés).

Et si les réseaux sociaux ont permis aux internautes d’ouvrir la parole sur ce sujet d’actualité, de créer des espaces de soutien en ligne et de sensibiliser le plus grand nombre au sujet, ils ont aussi rendu le harcèlement plus visible et facile à perpétuer en offrant aux harceleurs un nouveau canal pour exercer leurs violences en dehors des murs de l’école, rendant les victimes encore plus vulnérables.

Diffuser des rumeurs, des insultes ou des menaces, filmer ou photographier les actes de violence et les partager sur les réseaux sociaux… Les fonctionnalités offertes par les plateformes sont malheureusement souvent détournées et ont un impact dévastateur sur les victimes. Pour cela et bien d’autres raisons, le cyberharcèlement est à même hauteur que le harcèlement, un délit.

Par conséquent, les décisions prises aujourd’hui autour de la protection en ligne des plus jeunes se durcissent en Europe comme en France : la loi sur la majorité numérique votée en juillet ambitionne ainsi de protéger les plus jeunes des contenus violents ou pornographiques. Elle prévoit l’interdiction de l’accès aux réseaux sociaux avant l’âge de 15 ans (sauf si un des parents l’autorise) et une amende pour les plateformes qui ne respectent pas la loi ( jusqu’à 1% de leur chiffre d’affaires annuel). Et le Gouvernement souhaite aller encore plus loin en instaurant une peine de « bannissement » temporaire des réseaux sociaux pour les personnes responsables de cyberharcèlement.

A la vue de cette actualité, certaines plateformes prennent les devants : début novembre, certains réseaux ont ainsi fait la promotion de leur dispositif d’alerte “rapide” et l’accès “facile” au numéro anti-harcèlement.

Sur Instagram et Facebook, il vous faudra signaler le contenu gênant dans la rubrique harcèlement. Vous devrez ensuite sélectionner la rubrique “haine et harcèlement” et vous rendre tout à la fin sur un bouton dédié qui composera alors le numéro anti-harcèlement.

Pour faciliter ce long process, Méta propose une seconde solution : se rendre sur le post en question, l’ouvrir et secouer son smartphone. A partir de là, une fenêtre s’ouvre et vous guide dans vos démarches.Il vous suffira alors de signaler un spam, un abus ou un problème technique.

Sur Tik Tok, l’accès à cette fonctionnalité n’est pas aussi facile : il faudra aux internautes se rendre sur le GPS pour le trouver et passer par le bouton partager avant de pouvoir signaler un contenu.

Malheureusement, le signalement ne met pas fin au harcèlement.

Et une fois remonté, le contenu doit encore être supprimé par les plateformes. S’ensuit alors le long chemin de la modération des contenus par les plateformes si décrié ces derniers mois.

Par Emilie Guignard