Paris 2024 : la question de l’héritage

Après que les athlètes français aient été honorés ce samedi 14 septembre à l’occasion d’une Parade des Champions sur les Champs-Élysées, la vasque olympique a pris son dernier envol au-dessus du jardin des Tuileries. Alors que le démontage des sites olympiques et paralympiques commence à peine, une question s’impose : « Et maintenant, que fait-on ? » Le sort des anneaux sur la Tour Eiffel, l’avenir de la vasque olympique ou bien même celui des innombrables objets estampillés aux couleurs de Paris 2024 -bobs, gourdes et autres tee-shirts- nous interrogent. Doit-on les ranger dans les boîtes à souvenirs pour conserver leur caractère exceptionnel, ou doit-on les intégrer à notre quotidien pour que la ferveur qui nous anime depuis plusieurs semaines ne disparaisse jamais ?

Les Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024 ont été pensés avec un souci évident de durabilité. Le stade au pied de la Tour Eiffel, le Grand Palais, l’esplanade des Invalides, le Château de Versailles… ces sites ont fait la splendeur de Paris 2024 mais ont aussi permis à cette édition des Jeux d’être plus responsable que les précédentes. Dès sa candidature pour accueillir les Jeux, Paris avait pris un engagement fort : « réduire de moitié son empreinte carbone par rapport aux éditions précédentes et compenser les émissions qui n’auront pas été évitées ». Pour tenir cet engagement, le choix avait donc été fait d’utiliser un maximum d’infrastructures existantes, de limiter la construction de nouveaux équipements et ainsi d’éviter le phénomène des « éléphants blancs ». Ces stades abandonnés malgré leurs coûts de construction faramineux après la plupart des événements sportifs de grande ampleur sont presque devenus une tradition à laquelle le comité d’organisation des Jeux de Paris 2024 n’a pas voulu souscrire.

Outre l’Arena de la porte de la Chapelle, le Centre Aquatique Olympique et le village des athlètes, tous deux construits à Saint-Denis, la promesse d’un héritage matériel minimaliste a été tenue haut la main. Maintenant que les Jeux sont clôturés, les Français semblent cependant chercher cet héritage auquel se rattacher pour ne pas oublier ces deux quinzaines de jours qui nous auront fait vibrer. Alors que les tribunes provisoires sont progressivement démontées et que les habillages Paris 2024 disparaissent peu à peu, il nous semble difficile d’aller jusqu’à l’abandon des anneaux olympiques sur la Tour Eiffel et de la fameuse vasque du jardin des Tuileries. Si cette dernière a commencé à être vidée de son hélium, les politiques se sont toutefois saisis du dossier. Le Président de la République Emmanuel Macron et la maire de Paris Anne Hidalgo se sont tous deux dits favorables au maintien de ces deux symboles : les anneaux sur la Tour Eiffel « au moins jusqu’en 2026 » et la vasque « le plus longtemps possible ». Si certains craignent que ce choix ne vienne dénaturer la capitale française, il est important de rappeler que Paris est une ville qui a toujours su évoluer avec son temps, son histoire et en fonction des événements qui l’ont traversée. On peut citer la Tour Eiffel qui a perdurée après l’Exposition Universelle de 1889 ; l’obélisque de Louxor, érigée en 1836 au centre de la place de la Concorde ; l’Arc de Triomphe de la place de l’Étoile dont la construction avait été décidée par Napoléon Ier au lendemain de la bataille d’Austerlitz ou encore la Pyramide du Louvre inaugurée en 1989 par le Président François Mitterrand. Ces quelques exemples prouvent que le maintien de la vasque olympique dessinée par Mathieu Lehanneur pourrait être la trace visible que notre époque laisserait dans le paysage parisien.

Selon le baromètre sport publié par Odoxa le 14 septembre pour Winamax et RTL, 68% des Français se disent favorables à la survie de la vasque olympique après la fin des Jeux Olympiques. Cependant, plus de voix se font entendre contre le maintien des anneaux olympiques sur la Tour Eiffel (62% des Français ne le souhaiteraient pas). Parmi elles : Thomas Jolly, directeur artistique des cérémonies d’ouverture et de clôture des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024, qui a répondu au micro de France 2 à une question à ce sujet. Il a indiqué qu’il n’était pas un partisan du maintien de la vasque et des anneaux et qu’il prônait plutôt la beauté de l’éphémère avant de rappeler qu’il n’était toutefois pas décisionnaire sur ce sujet. Cette réflexion tend à nous rappeler que toute la superbe de ces Jeux de Paris ne résiderait en fait qu’en leur caractère temporaire. Même si nous n’avons pas tout à fait envie que Paris retrouve un visage plus habituel, on peut tout de même se demander si conserver trop de symboles ne revient pas à garder son sapin de Noël une fois les fêtes de fin d’années passées.

Une chose est sûre, ces questionnements qui nous animent tant ne sont que le reflet de nos réflexes humains qui nous incitent à ne jamais quitter l’état de grâce dans lequel nous sommes plongés depuis la cérémonie d’ouverture des Jeux. En ne voulant pas éteindre cette vasque olympique, ne serait-ce pas la flamme qui s’est allumée dans nos cœurs que nous cherchons à protéger ?

Cette flamme, nous aimerions qu’elle ne s’éteigne jamais parce qu’elle dépasse en réalité tous les symboles matériels. Cette flamme, c’est ce qu’on nomme l’esprit olympique. Cet esprit, fait de concorde, de ferveur, d’unité nationale et internationale, constitue le plus grand des héritages que pouvaient nous offrir les Jeux Olympiques et Paralympiques. Les Jeux peuvent apparaître comme une parenthèse enchantée où la diversité des nations, les athlètes et leurs performances ont contribué à souder les esprits autour de valeurs communes : l’effort, la persévérance, la bienveillance et l’excellence. À nous désormais de maintenir cet élan au-delà de la fête. À nous de faire en sorte que la flamme ne s’éteigne pas, quel que soit le destin de la vasque olympique.

Par Jean Le Borgne